jeudi 15 juillet 2010

Take the A train


Quand j'étais petite, mon papa fredonnait en boucle les tubes de Nougaro. Il tapait du pied et secouait la tête en rythme quand les cuivres d'un big band invité chez Michel Drucker le samedi soir faisaient entrer un peu de Nouvelle-Orléans dans notre province bourguignonne.
Ca marque, forcément. Moi, j'ai grandi dans les années 80, mais mes idoles s'appelaient Ella Fitzgerald, Louis Armstrong, Duke Ellington et Billie Holliday. Un peu après, sont apparus dans ma vie Charlie Parker et Miles Davis, Dave Brubeck et Ray Charles ; dans ma chambre, les posters de l'Etalon noir ont cédé du terrain devant l'affiche du film de John Landis, The Blues Brothers. A un moment j'ai sérieusement inquiété mes parents, lorsque je leur ai annoncé que plus tard, je serais chanteuse de gospel dans une église baptiste aux Etats-Unis. Bref, vous saisissez l'idée. Une culture jazz-blues-gospel un peu plus developpée que celle de mes congénères du même âge, mais surtout un aimable fourre-tout musical, dont la qualite première était de me faire vibrer le corps et l'âme.

Tout ça pour vous dire que j'ai la chance inouie de pouvoir passer un mois et demi à Harlem cet été. Tous les jours depuis dimanche, je passe devant l'Apollo theater et je rêve d'avoir une machine à remonter dans le temps pour rencontrer, juste une fois, Ella, Billie ou Aretha. Tous les jours depuis dimanche, je prends le train A direction Downtown et Duke Ellington est avec moi.
Trop timide pour pousser seule les portes des clubs de jazz de Harlem, ou inquiète à l'idée de tomber dans une de ces boites formatées qui accueillent leur flot quotidien de touristes, j'ai la chance d'avoir pour guide l'ami qui m'héberge et qui, lui, est un "pur et dur". Grâce à lui, je pourrai désormais entrer sans appréhension au Lennox Lounge, "the" bar depuis 1939. Yannick Noah l'a d'ailleurs utilisé comme décor pour le clip de sa dernière chanson dédiée à Angela Davis.
Plus étonnant, je pourrai aussi frapper à la porte de l'American legion, quasimment en face de " chez moi". C'est de l'autre côte de la rue, c'est le même appartement, avec le même jardin à l'arrière, sauf qu'à la place d'une buanderie et d'une chambre, il y a un bar, quelques tables et les chaises qui vont avec. Et des musiciens, bien sûr, au milieu desquels vous êtes obligés de passer quand vous entrez. L'American legion, ce n'est pas à proprement parler un club de jazz. D'ailleurs, ses auorisations sont limitées et il ferme à minuit. Non, en fait il s'agit d'une association d'anciens combattants. Un peu comme la FNACA, finalement (spéciale dédicace à mes amis journalistes de la PQR qui ont perdu au tirage au sort et qui vont aller couvrir l'assemblée générale de la section locale ce week-end...)
Mais juste un peu. Et pendant que les patriotes francais croulent sur leurs jambes, ceux de Harlem frémissent au rythme du swing.

1 commentaire:

  1. Yannick Noah, la Fnaca, Duke Ellington dans le même article! Trop forte Roselyne !

    (Au fait, le Cotton club existe-t-il encore?)

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